Selon l’économiste Nicolas Bouzou, dans le monde d’après, l’investissement dans les compétences n’est pas un choix, mais une nécessité absolue.  

Le cabinet Asterès, mandaté par la FFP (Fédération de la Formation Professionnelle), vient justement de publier un rapport qui place la formation au cœur de la stratégie de relance économique du pays. La clé de la réussite de la sortie de crise ? Le développement des compétences qui permet, d’une part, d’améliorer la productivité et donc la compétitivité des entreprises et, de l’autre, de pourvoir aux 200 000 emplois vacants afin de redynamiser l’économie.

Une action semble d’autant plus urgente que les compétences des actifs français se détériorent plus rapidement que dans d’autres pays de l’OCDE, notamment à cause d’un accès insuffisant à la formation continue. Un accès qui menace de se détériorer encore puisque, selon une enquête Rexecode, quasiment les trois quarts des entreprises françaises ont effectué un report des dépenses d’investissement ou l’envisagent !

Pour conjurer ce danger, le rapport Asterès préconise de mettre en place une politique forte au niveau national.

Les cibles prioritaires

Les ETI

Le cabinet Asterès réclame en premier lieu de développer les compétences des actifs en poste, afin de soutenir l’effort des entreprises fragilisées par la crise. Cette mobilisation vise particulièrement les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI), comptant de 50 à 250 salariés. En effet, ces entreprises, pourtant motrices dans l’économie locale, feraient aujourd’hui figure de « parent pauvre » de la formation continue puisque, tandis qu’elles contribuent à hauteur de 1,7 milliard d’euros aux fonds de formation, elles ne bénéficient en retour que de 490 millions d’euros… La disparition des politiques publiques incitatives à destination des entreprises de taille moyenne depuis la réforme de la formation continue en 2018 entraîne ainsi un décalage entre les compétences des salariés et leur emploi et, du même coup, une forme d’obsolescence par rapport à la concurrence étrangère.  

Pourtant, comme le dit le rapport, « la crise économique ne doit pas être l’occasion de lancer un nouveau big bang de la formation mais au contraire de capitaliser sur les outils existants ou en cours d’élaboration ». Une première mesure consisterait ainsi à étendre le FNE-Formation, créé en 2013 pour développer les compétences des salariés et maintenir leur employabilité, à l’ensemble des effectifs des ETI. Le FNE-Formation, grâce à la prise en charge intégrale des coûts pédagogiques, permettrait d’encourager les entreprises à miser sur les compétences malgré le contexte difficile.

Une autre mesure vise à favoriser l’abondement du Compte Personnel de Formation par l’entreprise comme par le salarié.

Les demandeurs d’emploi et les jeunes

Il convient également d’agir en direction des demandeurs d’emploi peu diplômés et des jeunes, pour lesquels l’accès au monde du travail est encore compliqué par la crise actuelle. Il est en effet important que les compétences des demandeurs d’emploi ne se déprécient pas, comme il est important d’améliorer le passage entre formation initiale et formation professionnelle chez les jeunes les moins qualifiés.

Pour cela, le rapport préconise une série de mesures : relever l’éligibilité aux fonds du PIC (Plan d’Investissement des Compétences), étendre le mécanisme des POEC (Préparation Opérationnelle à l’Emploi Collective) aux actifs dont l’emploi est menacé, réorienter une partie des fonds du PIC vers les CPF des actifs les moins diplômés et enfin protéger l’alternance.

De nouvelles compétences pour un monde nouveau

Les soft-skills, ces compétences du savoir-être, sont plus que jamais recherchées dans le monde d’après pour permettre aux entreprises de s’adapter à la nouvelle donne et prévenir les mutations à venir.  

Le confinement a révélé en outre des carences, notamment dans le domaine du numérique (l’économie « distancielle »). Là encore, les compétences ont un rôle à jouer. La formation doit ainsi participer de l’effort d’investissement des entreprises dans le numérique à l’heure où le gouvernement présente le digital comme l’un des piliers de la relance économique.

Mais la formation doit aussi aider à la modernisation des entreprises, à la relocalisation des industries en France et à la transition écologique ; trois autres challenges d’importance pour construire ensemble le monde d’après.

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