Comme le rappelle le professeur-chercheur Philippe Carré: «on ne forme pas quelqu'un, c'est la personne qui se forme». Partant de ce constat, il est naturel de placer l'individu bénéficiaire au centre du processus de formation. Mais quelle responsabilité cette position centrale impose-t-elle réellement?

L'individu est-il simple acteur de sa formation, ce qui sous-entendrait qu'il interprète, comme un acteur, un rôle défini en amont par quelqu'un d'autre (conseiller Pôle Emploi, manager, RH, etc.) ? En est-il au contraire auteur et doit-il définir lui-même son parcours professionnel et le parcours de formation associé?

En d'autre terme, jusqu'où doit aller le degré d'autonomie du bénéficiaire pour garantir d'une part sa liberté d'orientation et, d'autre part, offrir les conditions nécessaires à un choix éclairé et une transition professionnelle réussie?

Une nouvelle compétence: l'apprenance

C'est la condition première de l'implication des individus dans leur parcours de formation, qu'ils soient destinés à devenir les acteurs ou les auteurs. Pour faire de quelqu'un un acteur ou un auteur, encore faut-il susciter chez lui le désir de jouer ou d'écrire!

La compétence d'apprenance, qui suppose la curiosité et l'apprendre tout au long de la vie est ainsi la clé de voûte de l'évolution et la transition professionnelle. Elle doit être pour cette raison la priorité des employeurs et le premier chantier de formation à mettre en œuvre. Faute d'apprenance, des dispositifs basés uniquement sur le volontariat comme le CPF, les Transco , etc. seront en effet toujours voués à un demi-échec et les vœux contenus dans la réforme de la formation professionnelle demeureront stériles.

Accompagnement fléché ou accompagnement ouvert?

L’Afref considère aujourd’hui que le rôle d’acteur est un peu réducteur. Faut-il pour autant imaginer qu’un individu, même un individu apprenant, puisse, avec quelques chances de succès, devenir pleinement auteur de son orientation professionnelle lorsqu’il est déjà difficile à une entreprise de déterminer l’évolution des emplois qu’elle maîtrise ? Certainement pas. D’autant que les personnes capables de manager leurs apprentissages dans le long terme et en autonomie s’avèrent assez peu nombreuses ; de l’ordre de quelques pourcents à peine.

Il convient donc d’en rabattre un peu de l’individu auteur et chercher plutôt à faire des individus co-auteurs. Ceux-ci resteraient à l’initiative de leur histoire de formation personnelle mais au sein d’un environnement favorisant leur accompagnement étape par étape.

Ainsi, il ne s’agit pas pour l’Etat ou l’entreprise de se défausser sur l’individu de toute responsabilité en le laissant seul en face de son crédit CPF, mais de mettre en place des structures d’assistance faisant fonction de tuteurs pour permettre aux projets individuels de donner du fruit.

Le Conseil en Evolution Professionnelle (CEP), dispositif gratuit mis en place par l’Etat pour l’ensemble des actifs (salariés du privé, fonctionnaire, demandeurs d’emploi, etc.), s’inscrit parfaitement dans cette démarche : analyser la situation actuelle, définir un projet et accompagner sa mise en œuvre.

Pour aller encore plus loin, la chercheuse Monique Bénailly préconise la création d’un DIO (Droit Individuel à l’Orientation) qui associerait schématiquement bilan de compétences et CEP.

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