Personne en France n’est satisfait du système de l’assurance chômage dans son format actuel. Ni le gouvernement, qui constate que, malgré les énormes moyens financiers (près de 40 milliards d’euros par an), son Aide au Retour à l’Emploi ne permet pas la réinsertion professionnelle des intéressés, ni les allocataires (7,3% des actifs selon l’INSEE) que le système ne prémunit pas contre le déclassement.

Les actifs les moins qualifiés : premières victimes du chômage

Le déclassement des allocataires de l’ARE est à la fois économique et professionnel.

Economique, d’abord, parce que les foyers les plus précaires peuvent aisément basculer à cette occasion sous le seuil de pauvreté. En effet, dans le même temps où l’inflation atteint en 2022 un taux historique de 5,8%, les allocataires de l’ARE ne perçoivent que 56% de leur ancien salaire. Or, le niveau de salaire étant empiriquement indexé sur le niveau de qualification, les actifs les moins qualifiés se trouvent être par voie de conséquences les principales victimes de cette paupérisation des chômeurs.

Le déclassement est également professionnel. L’OCDE considère ainsi que les compétences techniques (hard skills), majoritaires chez les actifs les moins qualifiés, deviennent obsolètes au bout de 2 ans, du fait de la révolution technologique en cours. Or, dans 13% des cas, la recherche d’emploi atteint ou dépasse cette durée, ce qui revient à dire que les chômeurs ne sont généralement plus employables lorsqu’ils arrivent en fin de droit. Car ce sont précisément ces actifs non diplômés et éloignés de la formation qui constituent statistiquement l’essentiel des chômeurs de longue durée.

Il existe donc en France deux marchés de l’emploi distincts, selon que l’on est diplômé ou non. Non seulement le taux de chômage est inversement proportionnel au niveau de qualification (40% pour les personnes sans diplôme ou les détenteurs du seul brevet des collèges contre 1% seulement pour les docteurs en médecine), mais la réinsertion dans l’emploi est également beaucoup plus facile pour les diplômés, qui trouvent régulièrement un nouveau poste sans le secours du Pôle Emploi (via les réseaux sociaux, notamment). Dès lors, la question du chômage longue durée est plutôt celle de la qualification et donc des compétences que d’un hypothétique manque de volonté des allocataires. Du coup, c’est logiquement en augmentant les compétences que l’on peut espérer réduire le chômage.

L’étude de l’institut Sapiens pour une refonte du chômage en France

Fort de ce constat, l’institut Sapiens suggère une refonte en profondeur du système. Le Pôle Emploi affirme que le retour à l’emploi se fait pour 75% des individus dans un délai de 3 mois. Partant de là, l’étude macro-économique propose de réduire l’allocation chômage de 2 ans à 4 mois maximum, tout en augmentant fortement le taux d’indemnisation (80% du salaire) pour limiter le déclassement économique évoqué plus haut.

Passé ce délai, l’institut préconise une entrée obligatoire en formation avec une bascule du Pôle Emploi vers une nouvelle entité qui résulterait de la fusion entre l’Unedic et France compétences. Cette formation obligatoire (indemnisée) ciblerait les secteurs porteurs, en accompagnant à la mobilité géographique par le biais d’un bail locatif de mobilité (à créer) et en mobilisant les tribunaux de commerce pour anticiper la vague des dépôts de bilan post plan de relance. L’idée est en effet de miser d’emblée sur les entreprises les plus solides pour éviter un retour rapide au chômage.

Dans ce nouveau cadre, la formation continue aurait un rôle de premier plan à jouer pour mettre en correspondance les demandes des entreprises et le profil des actifs sans emploi. Ayant évolué ces dernières années vers davantage de formations diplômantes, elles pourraient même à plus long terme sécuriser l’employabilité des ex-chômeurs de plus de 4 mois en leur donnant accès à la qualification qui leur manque.

Intéressant à noter en conclusion : l’étude soutient que cette refonte pourrait s’effectuer à budget constant !

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