Vous en avez sûrement déjà entendu parler sans savoir peut-être de quoi il s’agit au juste. Mais d’abord qui est Bloom et qu’est-ce qu’une taxonomie ?

Benjamin Bloom est un psychologue américain spécialisé en pédagogie. En 1954, âgé de 41 ans, il coconçoit avec un groupe de recherche réunissant 33 autres psychologues la célèbre taxonomie qui porte aujourd’hui son nom. 

Ce qui nous amène à notre seconde question préliminaire : qu’est-ce qu’une taxonomie ? Une taxonomie est traditionnellement le système d’emboitage qui nous permet de catégoriser le vivant (ensembles et sous-ensembles créés par les naturalistes pour classifier plantes et animaux).

Le terme, appliqué ici à l’apprentissage, est déjà lourd de sens puisqu’il suppose d’emblée entre les différentes catégories un lien hiérarchique séquentiel, c’est-à-dire une progression par paliers nécessitant pour le passage au palier supérieur la validation préalable du palier précédent. Un autre exemple bien connu de cette hiérarchisation séquentielle, c’est la célèbre pyramide de Maslow qui superpose nos besoins du plus métabolique au plus métaphysique en posant pour principe qu’il est impossible de formuler des besoins plus élevés tant que les besoins primaires n’ont pas été satisfaits. En l’occurrence, la taxonomie de Bloom ne concerne pas nos besoins mais les étapes forcées de l’apprentissage ; par quels paliers successifs l’apprenant doit passer pour se guider de la découverte d’une nouvelle notion au développement d’une nouvelle compétence (approche idéale pour la pédagogie par objectifs).  

Cela étant dit, et maintenant que les termes sont (plus) clairs, il est temps d’entrer dans le vif du sujet !

La taxonomie de 1954

La taxonomie de Bloom, comme la pyramide de Maslow précitée, est souvent matérialisée sous la forme pyramidale. 6 niveaux superposés schématisent les 6 étapes d’apprentissage identifiées par le groupe de chercheurs en pédagogie. A chaque niveau correspond une série de verbes listant les actions que l’apprenant doit maîtriser à ce stade. Le pédagogue, désireux de s’appuyer sur la taxonomie de Bloom, peut ainsi, au moment de la découverte d’une nouvelle notion, diagnostiquer le niveau de chaque apprenant sur la base des actions qu’il maîtrise déjà ou ne maîtrise pas encore sur le sujet. 

A la base de la pyramide, Benjamin Bloom et son équipe situent la connaissance, autrement dit la mémorisation d’une nouvelle notion (savoir répéter, reformuler, définir, etc.).

Au premier étage, ils placent la compréhension, c’est-à-dire la transition intellectuelle de la notion à la logique (savoir reconnaître, associer, ordonner, etc.).

A l’étage suivant, l’application, soit la capacité à réemployer la notion dans un cadre nouveau (savoir combiner, illustrer, expérimenter, etc.).

Au quatrième niveau, l’analyse qui suppose de passer de la logique à la conceptualisation (savoir analyser, décomposer, sélectionner, etc.).

Au cinquième niveau, la synthétisation qui permet de produire un matériau neuf (savoir généraliser, modifier, adapter, etc.).

Enfin, au sixième et dernier niveau de la pyramide, l’évaluation qui se traduit par une aptitude à juger la production d’autrui suivant un référentiel précis et argumenté (savoir mesurer, juger, conclure, etc.). 

Lectures et utilisations modernes

Bien que le principe directeur de la taxonomie n’ait jamais été remis en question, sa conceptualisation a été parfois critiquée à deux niveaux. La première critique concernait les intitulés jugés trop statiques et unidimensionnels des différents niveaux de la pyramide (connaissance, compréhension, etc.). La seconde critique touchait l’ordre des cinq et sixième niveaux. Est-ce la synthétisation qui débouche sur l’évaluation, ou le contraire (certains allant même jusqu’à nier qu’il y eût entre ces deux derniers stades un lien séquentiel) ? La question, qui peut paraître spécieuse, est en réalité primordiale puisqu’elle revient à définir la finalité d’un apprentissage, à savoir s’il a pour but de faire de l’apprenant une autorité ou un créateur.

Pour répondre à ces objections, deux psychologues : Krathwohl (coauteur de la taxonomie originelle) et Anderson ont proposé en 2001 une version révisée. Dans cette nouvelle pyramide, les différentes strates sont désignées d’après des verbes d’action et les deux derniers sont inversés. Cela donne la pyramide suivante (de la base au sommet) : reconnaître/se rappeler, comprendre, appliquer, analyser, évaluer et créer.   

Cette taxonomie de Bloom, dans sa V1 ou sa V2, demeure pour tout pédagogue à la fois une grille d’évaluation pertinente, une feuille de route et un canevas pour la création de ses supports. Le formateur qui a pleinement intégré la taxonomie peut ainsi analyser plus efficacement les besoins de ses apprenants, scénariser ses modules pour coller à la logique de progression par strates et concevoir ses évaluations de manière à valider que les actions requises à chaque niveau (savoir répéter, ordonner, expérimenter, etc.) sont bien maîtrisées.   

Sur ce dernier point, il est intéressant de noter en conclusion de cet article qu’il existe une version « digitalisée » de la taxonomie faisant correspondre à chaque niveau de la pyramide d’apprentissage plusieurs outils numériques dont la maîtrise par l’apprenant permet de sanctionner le niveau concerné (par exemple, pour les six étapes, savoir successivement surligner, tweeter, éditer, mindmapper, modérer et bloguer).

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