L’approche neuroscientifique de ces dernières années a provoqué un important changement de modèle pédagogique.
L’approche cartésienne
L’approche traditionnelle, dite « cartésienne » parce qu’elle restait strictement intellectuelle, proposait des contenus identiques pour tous les apprenants. Le formateur pouvait ainsi dupliquer un même module à l’infini (sur le modèle des formations sur étagères), sans nécessité d’adapter son contenu ou sa méthode. En effet, l’apprenant était alors considéré comme un « individu », c’est-à-dire un élément indivis du groupe ; une sorte d’atome interchangeable auquel le nivellement cartésien niait, dans le domaine de l’apprentissage, une identité propre. Pour cette raison, le contenu pédagogique s’adressait au groupe, dans sa globalité. C’était évidemment très pratique pour les concepteurs de support et les formateurs qui n’avaient pas besoin, dans ce temps-là, d’intégrer de quelconques spécificités dans leurs déroulés pédagogiques.
Mais c’était aussi l’époque où les apprenants se rendaient en formation avec des pieds de plomb et seulement sur l’insistance de leur employeur ou de leur conseiller Pôle emploi. L’époque où, précisément, on ne se sentait pas concerné par le contenu de la formation.
L’approche neuroscientifique
Les neurosciences, en révélant la complexité et la variété des mécanismes intellectuels, ont amené un changement d’échelle et de rapport à l’apprenant. Du groupe, on est ainsi passé au participant, et de l’individu à la personne. Or, non seulement la personne est plus difficile à définir que l’individu, mais elle change d’un participant à l’autre ; nécessitant en amont un travail d’exploration et, au cours des sessions, un souci constant d’adaptation à chacun.
Si la « personne » est plus complexe que l’individu, c’est qu’elle déborde le cadre de l’intellect cartésien pour intégrer le vécu, les valeurs et les émotions. Une formation destinée à une personne se doit donc de respecter le vécu et les valeurs de chacun des apprenants, mais aussi de susciter chez eux des émotions pour faciliter adhésion, appropriation et mémorisation à long terme.
Dans ce contexte de valorisation de la personne, il est logique de constater l’émergence rapide de nouvelles méthodes pédagogiques telles que la ludopédagogie ou le storytelling, qui, s’adressent justement à cette sphère émotionnelle.
En fait, le formateur doit tenir compte de ce que les apprenants ne veulent pas seulement apprendre, mais également prendre du plaisir à vivre une aventure humaine. Dans ce « koh-lanta pédagogique » ;-), la trace mémorielle est effectivement à proportion de l’impact émotionnel et les objectifs de la formation d’autant plus facilement atteints que les apprenants ont le sentiment de sentir et expérimenter quelque chose.
Un nouveau positionnement
Sur le modèle du psychologue américain Carl Rogers, le formateur doit donc descendre de son estrade pour entrer dans la relation. Devenir plutôt facilitateur que formateur au sens habituel du terme. Et ce n’est certes pas un hasard si ce mot de « facilitateur » connaît actuellement un tel essor.
Les apprenants aspirent aujourd’hui à une forme de pairagogie, aux antipodes la verticalité traditionnelle, dans laquelle chacun apprend du reste du groupe. Une aspiration parfaitement cohérente, si l’on considère que les neurosciences démontrent l’importance du lien social dans les mécanismes d’apprentissage. Une aspiration « neuroscientifique » qui justifie l’échec relatif du 100% distanciel et ouvre la voie à une nouvelle vision du métier.