Tous les observateurs s’accordent à dire que le monde professionnel est en grande mutation et que la pandémie a marqué un tournant brutal sinon un tremblement de terre. Mais il faut avoir conscience que le monde de formation, qui y est accolé, subit également les secousses.
En 2023, les organismes de formation vont ainsi avoir à relever encore de nombreux défis. Même si le parti en place depuis 2017 a choisi de miser sur la formation professionnelle, au risque de grever encore la dette, il n’en a pas moins fragilisé la position d’un certain nombre d’organismes de formation en multipliant les lois et les réformes et en favorisant la révolution numérique.
L’avenir fragile des financements
En 2022, l’ensemble des OF a subi le contrecoup des vagues d’arnaques au CPF :
- décrédibilisation de leurs offres : leurs campagnes de prospection pouvant être perçues par leurs clients potentiels comme une nouvelle tentative d’escroquerie et la plateforme étant elle-même largement discréditée auprès du grand public,
- chasse aux sorcières effectué par la Caisse des Dépôts qui a mené à de nombreux déréférencements intempestifs : des formations de qualité qui ont cessé du jour au lendemain de bénéficier des financements publics dans un contexte de paranoïa administrative,
- fin du portage Qualiopi simplifié : impossibilité pour des formateurs indépendants de souscrire une offre de portage sans être obligé de coller aux exigences nombreuses de la nouvelle certification et impossibilité pour les OF certifiés de proposer ce service.
Mais l’atteinte la plus grave au bon fonctionnement du CPF réside dans l’idée d’imposer aux bénéficiaires une participation financière aux frais de leurs formations. Une telle participation ne pourrait en effet qu’avoir un impact très négatif sur le nombre d’entrées en formation via la plateforme…
A ce contexte de fragilisation du CPF, il convient en outre d’ajouter la fin du FNE-Formation qui avait suscité de nombreux débouchés depuis le confinement du printemps 2020, la fin du Plan d’Investissement dans les Compétences (PIC) amorcé en 2018, et la baisse de dotation drastique des CFA entre l’été dernier et le mois d’avril 2023. Un calendrier qui va évidemment se traduire pour la plupart des OF par une perte de chiffre d’affaires.
Un modèle historique en crise
On vient de le voir, le temps de la formation sous perfusion est bien révolu. Les organismes de formation ne peuvent continuer à vivre comme par le passé des financements publics, de plus en plus réduits et aléatoires.
Historiquement, la formation se scindait en deux entre une formation de masse (langues, management, bureautique, etc.), dispensée principalement par des groupes importants comme la Cegos, et une formation de niche, à la marge, touchant certaines expertises plus pointues.
Mais à cause de la révolution numérique, d’une part, et du développement de la formation interne, d’autre part, le modèle traditionnel de la formation de masse est aujourd’hui en voie de disparition. Le changement de perspectives introduit par la réforme de 2018 joue également un rôle dans cette remise en cause. En plaçant le bénéficiaire au centre du dispositif (CPF, passeport de compétences), le législateur a en effet modifié les motivations d’achat de formation. La flexibilité ou le caractère ludique par exemple sont apparus comme des leviers nouveaux dont les opérateurs historiques ne disposaient pas forcément.
Enfin, l’accent mis sur les compétences a également imposé à l’ensemble des OF de repenser entièrement leur offre et contribué dans une très large proportion à redistribuer les cartes.
Faire face
Malgré des financements au ralenti et des transitions quelquefois difficiles à opérer pour les OF les plus anciens, la formation continue demeure un besoin essentiel du monde professionnel et de nouveaux acteurs continuent d’émerger. Les grandes enseignes de la formation s’appellent aujourd’hui OpenClassroom, Unow, etc. Elles ont pour point commun d’avoir miser sur le digital learning, dont la modernité, la très grande flexibilité et le coût plus faible séduisent un large public d’acheteurs.
Dans un monde où tous les repères sont changés (télétravail, coworking, réunions zoom, etc.), le digital semble plus adapté et plus adaptable. D’ailleurs, le salarié qui passe rarement cinq jours en entreprise ne veut généralement plus passer cinq jours dans une salle de formation. L’épiphénomène que constituait jusqu’alors l’e-learning est ainsi devenu une tendance lourde, même si la présence humaine du formateur demeure pour la plupart des stagiaires un besoin très fort. Il n’y a donc pas à s’étonner que 37% des achats de formation en 2022 aient concerné du blended learning, c’est-à-dire une formation hybride conjuguant précisément présentiel et distanciel (ou en tout cas support numérique).
Reste à savoir comment former en présentiel et quels formats numériques choisir pour que notre offre continue de coïncider avec la demande.
Il n’existe évidemment pas à cette double question de double réponse toute faite. Toutefois, certaines tendances se dégagent comme la gamification, à la fois source de motivation et « ancreur » émotionnel. Celle-ci peut d’ailleurs revêtir de nombreuses formes, soit en présentiel (ludopédagogie, compétition positive, jeux de Thiagi, etc.) ou via un support numérique (podcast, réalité virtuelle, serious game, ...), et la formation de demain reste encore à inventer !
Approfondir
- C-campus le blog - Formation en entreprise : la fin du marché de masse ?
- Ministère du travail - Plan d'investissement dans les compétences
- Hop3Team - Formation professionnelle : à quoi s'attendre en 2023 ?
- Digiformag - Quelles sont les grandes tendances du monde de la formation en 2023 ?
- Culture RH - Tendances de la formation en 2023 : 7 tendances à retenir