En guise d’introduction
Littéralement, c’est la pédagogie par le jeu. Même si jeu et apprentissage peuvent apparaître au premier abord comme des notions antinomiques, le jeu n’en mobilise pas moins 5 gestes mentaux essentiels : l’attention, la compréhension, la mémorisation, la réflexion et l’imagination. De même il met en scène savoir, savoir-faire, savoir-être.
Appliquée au domaine de la formation, la ludopédagogie ainsi définie s’adapte indifféremment aux serious games (mise en situation professionnelle sur simulateur vidéo), aux jeux cadres de type Thiagi (approche ludique d’une problématique métier) ou encore aux jeux métaphoriques (consistant à transposer ladite problématique dans un contexte différent).
Ayant déjà traité des serious games et de la méthode Thiagi dans de précédents articles, nous nous concentrerons ici sur les jeux métaphoriques.
Un cheval de Troie
Le jeu métaphorique est le fruit de deux analyses.
Tout d’abord, l’analyse du psychologue américain Milton Erickson qui considérait que l’inconscient n’était pas le siège du refoulement freudien mais une ressource pour pallier les défaillances de la raison. Selon lui, il ne s’agit pas « de contraindre l'être humain à modifier sa manière de penser ; il est préférable de créer des situations dans lesquelles l'individu modifiera lui-même volontairement sa façon de penser ». En d’autres termes, il est contre-productif de traiter une problématique de manière frontale et il vaut mieux s’insinuer à la façon d’un cheval de Troie pour dépasser les défenses de l’amour-propre et les blocages de la raison. En formation, un cadre spatio-temporel en décalage avec le réel permet ainsi de rendre l’erreur « acceptable » et de s’appuyer sur celle-ci pour en tirer un bénéfice, un apprentissage et une expérience positive.
La seconde analyse vient du constat que la plupart des situations professionnelles font appel à des compétences transversales (autonomie, empathie, coopération, logique, etc.). Ainsi, le fait de ne pas aborder une situation de front, mais de la transposer dans un cadre autre, ne nuit pas à l’apprentissage d’une nouvelle notion ou à la résolution d’une problématique. La thématique abordée par la formation, qui a été transposé du réel vers le jeu est d’ailleurs facilement transposable en sens contraire, du jeu vers le réel. C’est précisément l’objet du débriefing par le biais duquel le formateur tire les leçons de l’expérience vécue.
Concrètement
Le rôle du formateur ludopédagogue n’est pas de dispenser un savoir vertical, comme dans la formation traditionnelle, mais d’être facilitateur de progression. Pour cette raison, il reste relativement effacé durant les phases de jeu, même s’il doit veiller à l’accompagnement particulier des individus. Par le débriefing, il décortique les phases successives du jeu, analyse les difficultés rencontrées et fait prendre conscience des notions/compétences travaillées. Comme Jean de La Fontaine utilisait la morale de ses fables pour attacher une idée universelle à une histoire spécifique, le formateur permet ainsi, en conclusion, une autre lecture du jeu.
La ludopédagogie est en outre une forme de marketing émotionnel puisque l’expérience ludique suscite entre l’apprenant et l’objet travaillé un lien affectif, gage d’ancrage et de pérennité.
Exemple : « le ballon volant »
Le but de cet exercice est de travailler la gestion du stress (par exemple dans le cadre d’une évolution des méthodes de travail, l’introduction de nouvelles procédures, etc.).
Le formateur constitue des équipes de six. Au moyen d’un fil, les joueurs de chaque équipe se lient ensemble deux à deux. Ils se regroupent ensuite de manière à ce que les trois fils, croisés en leur milieu, dessinent une toile d’araignée. Sur cette toile, le formateur dépose un ballon. Le but de cet exercice : couvrir une distance de quelques mètres entre deux baguettes de bois disposées sur le sol. Pour corser le jeu, le formateur ajoute régulièrement de nouvelles contraintes (parcours modifié, compétition interéquipes, etc.).
Le moment venu du débriefing, le formateur, en s’appuyant sur l’expérience du « ballon volant », aide le groupe à prendre conscience des effets délétères du stress et, a contrario, de la capacité d’une équipe à accomplir une tâche relativement complexe pour peu qu’elle prenne le temps de se coordonner et qu’elle évacue la pression ; identifiée aux pollutions et aux nuisances extérieures.