Le décret n°2023-1350 du 28 décembre 2023 vient d’entrer en vigueur. Pourtant, il demeure de nombreuses zones d’ombre et, en l’absence de précisions complémentaires, la nouvelle réglementation autorise pour l’instant les interprétations les plus diverses. 

Pourquoi un tel flou artistique ? Parce qu’il est difficile, en 2024, de réformer la sous-traitance sans gêner en même temps la bonne marche de la formation continue et qu’il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau du bain. 

Pourquoi la question de la sous-traitance est-elle si épineuse ? 

La Caisse des dépôts alerte régulièrement les législateurs sur le fait que la sous-traitance amène une dilution des responsabilités qui gêne le contrôle de la qualité des prestations (d’autant plus dans le cas d’une sous-traitance en cascade). Mais, dans la pratique, on constate que les gros OF recourent actuellement à la sous-traitance de façon quasi-systématique. Interdire la sous-traitance serait donc remettre en cause le modèle économique historique de la profession dans un moment où l’on compte sur la formation professionnelle pour sortir de la crise. 

De plus, les nécessités pédagogiques imposent le recours ponctuel à des experts, des professionnels venant livrer leur témoignage, des concepteurs de supports digitaux, etc. et il ne serait pas raisonnable ou bien d’amener les OF à renoncer à ces savoir-faire spécifiques, ou de leur imposer la salarisation de l’ensemble des intervenants qu’ils missionnent.    

De la même manière, la Caisse des dépôts dénonce depuis 2022 le portage Qualiopi qui consiste, pour un organisme certifié, à déléguer ses formations à des formateurs externes qui ne se soucient pas de respecter le référentiel. Le label n’a effectivement pas vocation à devenir un cheval de Troie pour les non certifiés mais bien à attester la qualité réelle des formations dispensées. Pourtant, si l’on considère les choses avec pragmatisme, de nombreux formateurs indépendants n’ont pas les reins assez solides pour envisager une certification Qualiopi et il ne s’agit pas de leur interdire l’exercice de leur profession. 

A la recherche d’un juste milieu

Pour résoudre ces contradictions, les législateurs ont choisi un moyen terme, en se réservant la possibilité de trancher plus tard les principales difficultés soulevées par la réforme.   

Pour faire simple, la sous-traitance reste permise à la condition que les sous-traitants soient eux-mêmes certifiés. De cette façon, l’objectif de qualité reste rempli. 

Mais, pour les raisons développées plus haut, les intervenants ponctuels qui ne couvrent pas un bloc de compétences entier et les formateurs inscrits au régime micro-social (micro entreprise, EI, EURL avec option IR), dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas le seuil de 77 700€ ne sont pas concernés par cette obligation, même s’ils restent tenus d’appliquer la politique qualité de leur donneur d’ordre. 

Un moyen de contournement consisterait donc, pour un certain nombre de formateurs habitués à travailler en sous-traitance, à changer de forme juridique afin de passer sous les radars du nouveau décret.

Pour les autres, il faudrait ou bien passer la certification Qualiopi, avec le coût que cela représente, ou bien obtenir d’être salarié par un OF plus important.    

En tout état de cause, le donneur d’ordre reste responsable pour ses sous-traitants et, dans le cas où l’un d’eux manquerait aux dispositions du référentiel Qualiopi, il risquerait son déréfencement. 

La règle ambiguë des 80%

Le chiffre est tombé dix jours après la publication du décret. 

Un prestataire référencé peut sous-traiter la réalisation d’actions éligibles au CPF dans la limite d’un plafond de 80% du chiffre d’affaires qu’il réalise sur la plateforme en une année civile. 

Quand on sait cela, pourtant, on n’est pas beaucoup plus avancé. L’arrêté du 3 janvier ne précise pas, en effet, si l’OF doit dispenser lui-même des actions de formation représentant au minimum 20% de son CA total ou bien si sa marge de donneur d’ordre doit être à minima de 20%. Dans le premier cas, l’arrêté aurait pour conséquence d’obliger les OF à salarier une partie de leurs prestataires. Dans le second cas, l’arrêté viserait à éviter la coquille vide du portage Qualiopi puisque les organismes qui proposent ce service « coquille vide » ne peuvent exiger de marges aussi importantes.

D’autres questions se posent :

-       Ce pourcentage concerne-t-il les seuls frais d’animation ou bien intègre-t-il également les autres fonctions qui concourent à l’action de formation (conception pédagogique, assistance technique, etc.) ?

-       Le « chiffre d’affaires » désigné dans l’arrêté renvoie-t-il au chiffre d’affaires global facturé ou bien au chiffre d’affaires réellement encaissé au cours de l’exercice ? 

-       Qu’en est-il des financements hybrides, et notamment du cumul entre CPF et AIF (France Travail) ? Le montant entrant dans le calcul du chiffre d’affaires CPF tient-il compte uniquement de la part financée par France compétences ? 

-       Comment s’opérera le contrôle ? 

Difficile, dans ces conditions, de se mettre en conformité avec une loi qu’on est réduits à interpréter. En espérant que le gouvernement mettra prochainement en ligne une FAQ afin de faire avancer un peu le schmilblick… 

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